L'arrêté royal du 23 juin 1978, publié au Moniteur belge de ce jour, modifie le règlement général sur la police de la circulation routière; il y introduit notamment la notion de "zone résidentielle", concept entièrement nouveau dont les principes sont exposés dans le rapport au Roi précédant l'arrêté.
La zone résidentielle, qui peut comprendre une ou plusieurs rues et qui peut être aménagée aussi bien dans un quartier ancien que dans un nouveau, se distingue fondamentalement de la rue piétonne.
Dans la rue piétonne, toute circulation est interdite, sauf, au besoin, à certaines heures pour les livraisons.
Dans la zone résidentielle, par contre, la circulation est autorisée en permanence, bien que soumise à des règles spécifiques, notamment en matière de relations entre les usagers, de vitesse et de stationnement.
D'autre, en matière de circulation routière, la zone résidentielle doit être spécialement aménagée en fonction de la coexistence des piétons et des conducteurs qui peuvent les et les autres utiliser tout l'espace disponible de la zone. Il s'agit en effet de rendre cette coexistence la plus harmonieuse possible et d'assurer au mieux la sécurité de tous les usagers, en particulier des enfants, qui peuvent jouer partout dans la zone résidentielle.
Afin de réaliser au mieux ce double objectif, il y a lieu, d'abord d'évaluer correctement l'opportunité de la création d'une zone résidentielle en fonction des circonstances préexistantes et ensuite de réaliser cette zone dans les meilleurs conditions.
L'aménagement d'une voie publique en zone résidentielle ne peut, du point de vue de la circulation routière, être envisagée que si:
1° L'habitat y est la fonction prépondérante.
Cette condition est essentielle. Il est indispensable d'éviter les éléments générateurs de trafic intense, tels que grands bureaux, centre commerciaux, etc.
La présence d'une école, d'un magasin d'intérêt local, etc… n'est cependant pas exclue, pourvu que le caractère d'habitat soit préservé.
2° La densité du trafic automobile aux heures de pointe n'y est pas très élevée.
Pour garantir la sécurité des usagers et préserver le caractère véritable de la zone résidentielle, la densité du trafic ne devrait généralement pas dépasser 100 à 120 véhicules automobiles par heure à l'heure de pointe la plus forte, après la réalisation des aménagements dont il sera question plus loin. Si cet ordre de grandeur ne peut être respecté, il faut renoncer à la création d'une zone résidentielle.
Bien que la circulation de transit ne soit pas strictement interdite, tout doit être mis en oeuvre pour la décourager de telle manière qu'elle soit aussi réduite que possible et que le trafic soit essentiellement à caractère local.
Si une rue supporte actuellement une forte circulation de transit, sa transformation en zone résidentielle ne peut être envisagée que si elle s'accompagne d'un plan complet de réorganisation de la circulation afin de diriger le trafic vers d'autres voies.
3° la distance entre un point quelconque de la zone résidentielle et une voie normale de circulation ne dépasse pas 500 mètres environ.
Cette exigence a un double objectif: les piétons ne doivent pas avoir un chemin excessivement long à parcourir pour atteindre un parking ou une ligne de transport en commun (située nécessairement en dehors de la zone, en vertu du 4°) et les conducteurs ne doivent pas être tentés de circuler à vitesse élevée pour rejoindre rapidement une rue normale.
4° aucun service régulier de transport en commun n'y passe.
Les exigences de rapidité et de régularité auxquels sont soumis les transports en commun d'une part, et les impératifs de sécurité des usagers d'autre part, sont incompatibles avec la présence d'une ligne de transport en commun à l'intérieur de la zone résidentielle. Le cas échéant, il conviendra de rechercher au préalable avec la société de transport en commun concernée, un itinéraire de substitution satisfaisant à la fois les nécessités du service et les intérêts des habitants de la zone.
Afin d'assurer une bonne organisation de la circulation et de garantir autant que possible la sécurité des usagers, Il y a lieu de prévoir l'aménagement d'une zone résidentielle comme suit:
1° les entrées et sorties doivent pouvoir être reconnues comme telles de par leur aménagement propre. Elles doivent présenter une différence de niveau par rapport aux voies normales de circulation. Cette différence de niveau ne peut toutefois gêner outre mesure l'accès ou la sortie des véhicules.
Bien que chaque entrée et chaque sortie doivent être munies respectivement des signaux F12a "zone résidentielle" et F12b "fin de zone résidentielle", le caractère spécifique de la zone, marqué notamment par une différence de niveau, doit apparaître cependant au premier coup d'oeil.
Il est a noter par ailleurs que la zone résidentielle ne doit pas nécessairement commencer ou se terminer au carrefour formé avec une voie ordinaire, mais peut débuter ou finir un peu en retrait de ce carrefour.
2° la voie ne peut être divisée en chaussée et trottoir.
Les piétons et les conducteurs pouvant tous utiliser la totalité de l'espace disponible, la division classique en chaussée et trottoir ne peut être appliquée.
Le maintien ou la création de trottoirs aurait pour effet de recréer, même inconsciemment, chez les usagers, les réflexes résultant de la séparation des trafics, ce qui est à l'opposé du but a atteindre.
3° des aménagements techniques ou des dispositifs spéciaux tels que dénivellations, dos d'ânes, courbes, -rétrécissements, bacs de fleurs, buissons, etc... doivent être prévus sur la partie de .la zone résidentielle convenant pour la circulation des véhicules, afin d'interrompre les lignes droites et de diminuer, la vitesse de ces véhicules.
Sauf si la disposition des lieux ne le permet pas, tout spécialement en raison de l'étroitesse de la voie, la longueur d'une ligne droite ne peut être supérieure à 50 mètres environ.
Si cette distance ne peut être respectée, des dénivellations ou dos d'ânes seront obligatoirement aménagés et ces aménagements ne pourront être distants l'un de l'autre de plus de 50 mètres environ.
Les aménagements et dispositifs visés à ce point doivent évidemment faire l'objet des soins les plus attentifs. Il faut, en la matière, rechercher le meilleur compromis : il doit être matérielle-ment impossible de circuler à vitesse élevée, mais les obstacles ne peuvent être à ce point rapprochés ou disposés de telle façon qu'ils compliqueraient exagérément la tâche du conducteur au point de le distraire de ce qui se passe sur la voie elle-même.
4° l'éclairage public doit être tel que les aménagements et dispositifs prévus au point 3° soient. suffisamment visibles de nuit pour les conducteurs.
Outre l'éclairage, il peut être opportun d'augmenter la bonne visibilité de ces aménagements et dispositifs par l'emploi de matériaux clairs (béton blanc par ex.) ou éventuellement de produits réf1échissants (catadioptres, etc.).
5° les aménagements et dispositifs prévus au point 3° ne peuvent gêner la visibilité des conducteurs. Ils ne peuvent les empêcher de se rendre compte en temps utile de la présence d'autres usagers, notamment d'enfants.
A cette fin, les dispositifs se trouvant dans le champ de vision immédiat des conducteurs ne peuvent former écran au-dessus d'une hauteur de 75 centimètres environ.
6° sauf si la disposition des lieux ne le permet pas (notamment, la largeur insuffisante de la vole), la zone résidentielle doit être aménagée de manière que les conducteurs ne puissent circuler à moins d'un mètre environ des habitations.
7° les emplacements spécialement aménagés pour les jeux des enfants doivent être aisément reconnaissables et, si possible, séparés de l'espace ou circulent les véhicules. Lorsque la disposition des lieux le permet, ces emplacements doivent être rendus inaccessibles aux véhicules.
8° les véhicules de secours et les véhicules d'utilité publique doivent pouvoir y accéder et y circuler.
9° un nombre suffisant d'emplacements de stationnement doit être disponible pour les habitants de la zone a l'intérieur de celle-ci ou à proximité immédiate.
10° les emplacements réservés au stationnement doivent en principe être délimités par des marques routières de couleur blanche ou par des revêtements de couleur différente. De plus, la lettre "P" sera de préférence reproduite à un coin de l'emplacement afin que le véhicule en stationnement ne la dissimule pas.
Il ne sera exceptionnellement fait usage des signaux E9a ou E9b que pour signaler un parking.
11° Lorsque la partie de la voie convenant pour la circulation ne permet pas le croisement des véhicules automobiles, il y a lieu de prévoir aux endroits les plus appropriés, des élargissements permettant ce croisement.
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Réalisation pratique
Le projet de création d'une zone résidentielle doit s'inscrire dans un plan de circulation d'ensemble, aménagé avec la collaboration d'experts de l'urbanisme, de l'environnement et de la circulation. Ce projet ne peut donc méconnaître les situations existantes et il doit prendre place dans une étude détaillée et bien conçue. Une enquête spécialisée doit permettre de faire une nette distinction entre les grands courants de trafic et les zones a trafic faible en tenant compte des courants de transit et de pénétration.
Un préalable paraît tout au moins indispensable: le consentement et la participation des habitants. Ils doivent en effet avoir l'occasion d'exprimer leurs désirs et de participer d'une manière concrète à la réussite de l'opération. Il faut aussi la collaboration entière des automobilistes résidents, mais également une prise de conscience de la collectivité du fait que la zone résidentielle est créée par eux et pour eux.
Du point de vue administratif, en vertu de l'article 2 de la loi relative a la police de la circulation routière, la création d'une zone résidentielle doit faire l'objet d'un règlement complémentaire arrêté par le conseil communal et soumis a l'approbation du Ministre des Communications, ceci sans, préjudice du respect des procédures prévues par d'autres dispositions légales ou réglementaires (permis de bâtir, autorisations du pouvoir de tutelle, subsides, etc.).
En raison notamment des dépenses relativement importantes qu'implique l'aménagement d'une zone résidentielle, il est vivement conseillé aux autorités communales de soumettre d'abord des projets au service compétent de mon département (Administration des Transports, Direction Dl, Cantersteen 12, à 1000 Bruxelles). lequel est, a la disposition des communes pour fournir l'aide et les renseignements nécessaires.
Au moment de l'envoi du dossier au service précité, il y a lieu de joindre tous les documents et éléments permettant de juger de la conformité aux directives énoncées ci-dessus (plans cotés, données relatives a la densité de la circulation, nombre d'emplacements de stationnement disponibles, nombre de véhicules dont disposent les, habitants de la zone, etc.).
Il va de soi que, les signaux F12a et F12b délimitant la zone résidentielle ne peuvent être placés qu'après approbation du règlement complémentaire et achèvement des aménagements.
En ce qui concerne les signaux B1 (triangle sur pointe) ou B5 (stop) qui doivent se trouver obligatoirement aux sorties des zones résidentielles, ils seront placés sur le fût du signal F12b, chaque fois que ce dernier est implanté à proximité immédiate du carrefour formé avec une voie ordinaire. Par ailleurs, en vertu du règlement des gestionnaires de voiries, il sera normalement fait usage du signal B1; le signal B5 ne sera placé que si, en raison de la disposition des lieux, le manque de visibilité est tel que les conducteurs ne pourraient céder le passage sans devoir s'arrêter.
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Mon département suivra avec la plus grande attention les initiatives prises par les autorités communales en matière de zones résidentielles, notamment quant a leur influence sur les -conditions de vie et sur la sécurité routière.
Bruxelles, le 23 juin 1978.
Le Ministre des Communications,
J. Chabert